Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

mardi 30 août 2011

Jésus de Nazareth

Joseph Ratzinger
Benoît XVI

 
Jésus de Nazareth
2. De l’entrée de Jérusalem à la Résurrection
Editions du ROCHER
Groupe Parole et Silence 2011
349 pages. 22€.




« Dans le geste des mains qui bénissent s’exprime la relation durable de Jésus avec ses disciples, avec le monde. Dans le fait de s’en aller il vient pour nous élever au-dessus de nous-mêmes et ouvrir le monde à Dieu. Pour cela les disciples ont pu se réjouir, quand de Béthanie ils sont retournés chez eux.
Dans la foi nous savons que Jésus, en bénissant, tient ses mains étendues sur nous. Voilà la raison permanente de la joie chrétienne. »
4° de jaquette

Je viens de lire avec bonheur le deuxième tome de l’auteur sur Jésus de Nazareth. A mon avis il est avant tout le témoignage de quelqu’un qui vit intimement avec ce Jésus dont il parle avec chaleur. Que de pages invitent à la méditation, à la contemplation, à un regard d’amour ! C’est aussi l’œuvre de quelqu’un qui a étudié, et qui livre son savoir de façon simple, dans le langage du quotidien. On trouve à la fois la rigueur du scientifique et l’attention du pasteur qui veut être exact et accessible.

Une succession de 9 chapitres nous met en route avec Jésus de Nazareth depuis l’entrée à Jérusalem à la Résurrection d’entre les morts. Interpellé par ces lignes, je n’ai pris la peine de noter qu’à partir du procès de Jésus et je n’en livre que quelques passages presque au hasard tant la richesse inciterait à tout transmettre ; prenez-le de ma part comme une invitation à la lecture.

Jésus devant le Sanhédrin … page 210… « Maintenant s’abattent sur Jésus, qui a prédit sa venue dans la gloire, les outrages brutaux de ceux qui se savent les plus forts et qui lui font sentir leur pouvoir et tout leur mépris. Celui dont ils avaient eu peur, peu de jours auparavant encore, est maintenant entre leurs mains. L’ignoble conformisme d’âmes faibles se sent fort pour agresser celui qui semble dès lors  seulement impuissance.
Ils ne se rendent pas compte que, justement en le tournant en dérision et en le frappant, ils accomplissent à la lettre, en Jésus le destin du Serviteur de Dieu : humiliation et exaltation s’entremêlent d’une manière mystérieuse. C’est justement parce qu’il est frappé, qu’il est le Fils de l’homme, qu’il vient de Dieu dans la nuée ténébreuse et qu’il établit le Royaume du Fils de l’homme, le Règne de la bienveillance humaine qui vient de Dieu. ‘’Dorénavant, vous verrez …’’ avait dit Jésus, selon Matthieu (26,64), en un paradoxe irritant. Dorénavant – quelque chose de nouveau commence. Tout au long de l’histoire, les hommes regardent le visage déformé de Jésus et reconnaissent précisément en lui la gloire de Dieu. »

Il me semble opportun de souligner combien ces lignes mettent en évidence le thème de la « solidarité » auquel nos contemporains sont si sensibles et j’oserai souhaiter, en glosant, que tout au long de l’histoire, les hommes, en regardant le visage déformé de leurs contemporains, puissent reconnaître le visage déformé de Jésus et reconnaissent alors en lui aussi la gloire de Dieu.

Jésus devant Pilate …page 213-4 … « En Marc, dans le contexte de l’amnistie pascale (Barrabas ou Jésus), le cercle des accusateurs semble plus large : voici qu’apparaît l’ochlos qui opte pour la relaxe de Barrabas. Tout d’abord, « ochlos » veut simplement dire une quantité importante de personnes, la « masse ». Bien souvent le mot a un accent négatif dans le sens de « plèbe ». En tout cas, pour ce mot, ce n’est pas « le peuple » des Juifs qui est désigné comme tel. A l’occasion de l’amnistie pascale (que en réalité, nous ne connaissons pas par d’autres sources mais dont il n’y a pas de raison de douter), le peuple – comme cela était d’usage pour d’autres amnisties – a le droit de faire une proposition manifestée par « acclamation » : en ce cas l’acclamation du peuple a un caractère juridique. En ce qui concerne cette « masse », il s’agit en fait des défenseurs de Barrabas qui se sont mobilisés pour l’amnistie ; en tant que rebelle d’une révolte contre le pouvoir romain, il pouvait naturellement compter sur un certain nombre de sympathisants. Les partisans de Barrabas étaient donc là, la « masse », tandis que ceux qui croyaient en Jésus, apeurés restaient cachés ; c’est ainsi que la voix du peuple sur qui le droit romain comptait était représentée de manière unilatérale. En Marc donc, à côté des « Juifs », c’est-à-dire les cercles sacerdotaux qui font autorité, entre en jeu effectivement l’ochlos, le groupe des partisans de Barrabas, mais pas le peuple juif comme tel. »

Cette mise au point sur la participation de la « masse » comme étant formée par les amis de Barrabas me paraît de grande importance sous la plume de Benoît XVI. Déjà Jean XXIII, remodelant la prière du vendredi saint, invitait les catholiques à un vrai respect pour le peuple Juif. Benoît XVI, ce pape du XXI° siècle accrédite ainsi la longue et patiente marche à la rencontre mutuelle entre Chrétiens et juifs. Une nouvelle étape de découverte mutuelle est en route « à l’encontre de l’antijudaïsme destructeur » que nous avons pu connaître.

Les deux types de témoignage de la Résurrection … pages 282 – 306.

Raffaello, Trasfigurazione, Pinacoteca Vaticana, Musei Vaticani
Arrêtons-nous maintenant à chacun des témoignages sur la Résurrection dans le Nouveau Testament. En les examinant, nous constaterons avant tout qu’il existe deux types différents de témoignage, que nous pouvons qualifier de tradition sous forme de profession et de tradition sous forme de narration.

La tradition sous forme de profession : … page 284 … « Et Paul, qui souligne toujours très fortement son témoignage personnel sur le Ressuscité et son apostolat reçu directement du Seigneur, insiste ici avec une grande vigueur sur la fidélité littérale dans la transmission de ce qu’il a reçu, il insiste sur la tradition commune de l’Eglise depuis les débuts.  … De ce lien avec la tradition venue des débuts, dérivent aussi bien le caractère universel obligé que l’uniformité de la foi. ‘‘Bref, eux ou moi, voilà ce que nous proclamons, Et voilà ce que vous avez cru’’  (1 Cor 15,11). En son centre, la foi est une, jusque dans sa formulation littérale même – et elle relie entre eux tous les chrétiens. »

La tradition sous forme de narration : … page 296 … « Aucun des évangélistes ne décrit la Résurrection de Jésus elle-même : c’est un processus qui, pour nous, ne peut être illustré et qui, de par sa nature, échappe à l’expérience humaine. » …

« La tradition sous forme de narration parle de rencontres avec le Ressuscité et de ce qu’il a dit en ces circonstances ; la tradition sous forme de profession de foi ne conserve que les faits les plus importants qui appartiennent à la confirmation de la foi : sous cet aspect, nous pourrons encore une fois décrire la différence essentielle entre les deux types de tradition. De là ressortent ensuite les différences concrètes. »

J’apprécie que soit analysée de cette manière le thème de la Résurrection ; cela permet à chacun la liberté de rester au niveau qui lui convient et il peut en même temps cheminer intellectuellement voire spirituellement, dans le respect des décisions de foi avec ceux qui adhèrent au salut en Jésus-Christ.

298 …. Dans la tradition sous forme de profession, seuls des hommes sont nommés comme témoins, tandis que dans la tradition sous forme de narration les femmes ont un rôle décisif, elles ont même la prééminence par rapport aux hommes. Cela peut venir du fait que, dans la tradition juive ….
    Les récits, à l’inverse, ne se sentent pas liés par cette structure juridique, mais ils communiquent l’ampleur de la Résurrection. …

Raffaello Sanzio - Gesù risorto
La très belle page de l’auteur sur « le rôle des femmes dans l’annonce » de la Résurrection, permettant d’en « communiquer l’ampleur », invite à nous référer à ce rôle aujourd’hui vécu par tant de mamans et d’épouses, voire de consacrées au service de la catéchèse en Occident, et directement dans des services de la Parole et de la Solidarité sous tant de cieux et à toutes les époques. Implication et disponibilité alliées à la connaissance et à la pédagogie de la Parole disent un réel renouvellement du vécu au quotidien, dans le monde et dans les communautés chrétiennes, pour l’annonce de Jésus le Christ Ressuscité.

Suivent les autres lieux de différences : Les apparitions de Jésus à Paul, - Les apparitions de Jésus dans les Evangiles. Puis en trois pages quelques mises au point sur « la nature de la Résurrection et sa signification historique. » La Résurrection « inaugure une nouvelle dimension, … la dimension eschatologique. »

Pour conclure, je ne peux que reprendre le dernier paragraphe de l’ouvrage qui souligne la joie d’être disciple du Christ : « Dans la foi nous savons que Jésus, en bénissant, tient ses mains étendues sur nous. Voilà la raison permanente de la joie chrétienne ».

Si vous prenez le temps de la lecture de ce Jésus de Nazareth, je vous souhaite d’y trouver pour le moins tout le bonheur que j’y ai trouvé.


Michel Bonemaison
15 août 2011.