Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

lundi 7 novembre 2011

Secret des hommes secret des dieux

Pour prolonger la méditation proposée par le film « des hommes et des dieux »

Henry QUINSON
Préface de Xavier BEAUVOIS

Secret des hommes secret des dieux.

L’aventure spirituelle du film
Des hommes et des dieux

Presses de la renaissance
Paris 2011
295 pages.


En premier lieu  ce sont de chaleureux remerciements que je tiens à adresser à Henry Quinson pour son ouvrage, remarquable témoignage du cheminement spirituel de toute une équipe d’amis, artistes et techniciens, soudés par une découverte progressive celle d’une communauté d’hommes de Dieu amoureux des Hommes.

Lire ce livre remet le spectateur du film dans les mêmes sentiments suscités par la projection mais avec un déplacement, celui désiré (je pense) par l’auteur. « Conseiller monastique du film des hommes et des dieux, Henry Quinson retrace cette étonnante et rare aventure humaine et spirituelle » que fut celle de toute l’équipe réunie pour le tournage.

Quand je dis « déplacement » je me réfère à l’aventure non plus des moines mais des acteurs et des techniciens dont Henry Quinson nous retrace avec simplicité la découverte, l’accueil, le travail de mise en œuvre, peut-être même le travail sur soi de chacun de ceux qui apprennent à incarner l’un des moines ou accompagner ces artistes. La réussite est indéniable. Aucun n’a du ressortir indemne de cette expérience, pas plus que nous les spectateurs du film. A chacun d’eux toute ma gratitude.

Que de thèmes merveilleusement abordés et dans la plus humble simplicité, rejoignant par là la vie même des moines trappistes. J’en livre l’un ou l’autre à notre intelligence, voire à notre méditation car ils nous renvoient évidemment tous à ce que nous avons vu si bien traité à l’écran :

Trois parties à ce livre :
la « genèse » du film qui exprime une vitalité étonnante,
la mise en acte appelée « incarnation » permettant de suivre pas à pas la lente et exaltante élaboration du projet cinématographique
et enfin, autre terme très évocateur en guise d’envoi, « effusion » d’où je ne peux qu’extraire les références de quelques unes de mes réflexions, que j’ose vous livrer, vous offrir.

Mystique de l’amour (pages 219-224)

C’est aux sœurs cisterciennes de l’Etoile Notre Dame à Parakou [Bénin] arrivées en 1960 et aux frères du Kokubu (implantés vers 1970) que je pense en lisant « Vous recevrez les hôtes comme le Christ car c’est en eux qu’il est adoré ». Accueil vécu avec amour offrant un havre de paix aux missionnaires de l’immense territoire de la préfecture apostolique 80.000 km². Accueil aux groupes très diversifiés accompagnés par ces mêmes pionniers de la foi chrétienne … et de ces groupes jaillissait un dynamisme tout jeune pour l’Eglise naissante.

    Quant à la référence au Caravage elle me remet en lien avec les artistes amis qui gravitent autour du « Musée Africain » de Lyon et dont la sensibilité apporte beaucoup dans la mise en œuvre du message que se doit un tel lieu. Comment mettre en lien les traditions africaines et la nouveauté qu’apporte Jésus ? « La foi chrétienne n’est pas une idée abstraite et froide – le dieu des philosophes et de la raison raisonnante -, mais une relation d’amour personnelle et intime ».

La revanche des dieux (225-230)

    « Beaucoup de médias parleront d’un film au-delà des religions. … Les faux dieux agonisent en ce troisième millénaire … Mais cette nuée, si elle s’impose comme dernière image du montage définitif, n’est-ce pas la revanche de la divinité biblique, qui décidément ne veut pas mourir ? » Les idéologies se succèdent, l’une d’elle née du matérialisme athée n’a vécu que 17 ans au Bénin, et je n’en connais aucune qui ait survécu autant que le message biblique, soit des millénaires, seulement mais déjà 2000 ans pour la foi chrétienne.

    Jean XXIII invitait à reconnaître les « signes des temps », à discerner ce qui était signe de renouveau dans le monde d’aujourd’hui. En tout homme n’y a-t-il pas une quête de l’au-delà, de l’altérité, voire de l’Autre Divin ? En marge des institutions, mieux, revivifiant ces dernières, que de mouvements s’épanouissent dans une forme ou l’autre criant leur besoin spirituel. Avec saint Justin découvrons ces « semences du Verbe » qui ne demandent qu’à s’épanouir dans le monde d’aujourd’hui.

Car « si les moines marchent en présence de Dieu et finissent par disparaître en lui, dans la nuée de sa gloire » … « Nous serons tous ensemble enlevés sur des nuées à la rencontre du Seigneur, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur ».

Rumeurs du monde (231-236)
Cannes – onisés (237-244)

    Oui, le rythme de la vie des moines est essentiel et, merci mon Dieu, il nous est permis d’en bénéficier, d’aller chez eux pour le consommer. Quelle merveilleuse thérapie au milieu des rumeurs du monde. Le film offre aussi à sa manière ce havre de silence par la justesse du ton redonné à bon escient par les temps de prière et les psaumes et hymnes. Remercions les acteurs pour la qualité de leur interprétation.

    « Ce  pays et l’Islam, pour moi … c’est un corps et une âme » du testament de Christian de CHERGE. Il me semble que de tels écrits, repris par des livres, des films, des émissions télévisées sont de première nécessité dans la société d’aujourd’hui, c’est la seule et unique manière d’exorciser les peurs ridicules qui engendrent la haine et la guerre. A ce sujet je signale que « l’Institut de science et théologie des religions de Marseille » a consacré de nombreux articles sur la théologie de Christian de CHERGE dans sa revue théologique et pastorale sur le dialogue interreligieux « Chemins de dialogue », et qu’une équipe pluridisciplinaire continue, poursuit son étude des textes de Christian pour une édition déjà en cours dont le remarquable ouvrage : Christian de CHERGE, une théologie de l’espérance Bayard 2011. 253 pages.

Communion (245-251)

    Non pas « fusion » entre les acteurs mais « Communion » ..., pas plus « connivence » mais « Communion ». « Les penseurs chrétiens préfèrent le mot ‘communion’ qui exprime une unité dans le respect des personnes ». Le mot est vrai car c’est bien cette communion entre les acteurs qui favorise le spirituel si présent dans le film. Favoriser cette dimension spirituelle, première dans la vie des moines de Tibhirine, demandait des choix et pour reprendre les mots de Dom Etienne Baudry « Vous avez su, quand nécessaire, travestir la réalité des détails historiques pour être au plus proche de la vérité essentielle, qui est spirituelle ». Ou pour citer Emmanuel Audrain « Avec peu de mots, ces chants bien choisis et ces visages habités, les frères revivent ! »

Exception prometteuse (256-263)

    « Des hommes et des dieux offrent … une vraie catéchèse : le spectateur assiste à la quête de Dieu chez les moines et découvre leur amour des hommes ; il comprend peu à peu que les deux sont liés, que le Dieu des moines est Amour, amour fraternel sans exclusive ».

    Et cette citation de Xavier Beauvois : « Les moines sont des hommes libres, égaux entre eux et avec leurs voisins … ils ne font aucun prosélytisme. Plus j’avançais dans le tournage, plus je voyais des parallèles avec la situation de la France. Chez nous, on est de moins en moins libres, de moins en moins égaux et de moins en moins frères … C’était intéressant de mettre la société en perspective à travers le regard de ces moines ».

    La certitude de l’auteur que « revisiter Tibhirine ne consiste pas à regretter le passé, mais à préparer l’avenir » est valorisée par le supérieur de la communauté de Midelt au Maroc assurant que « L’essentiel du message que nos frères ont à dire au monde est là : ‘’Une amitié tissée au fil des années avec tout un peuple ne disparaît pas quand le risque d’en perdre la vie se profile à l’horizon’’ : C’est tout l’Evangile, et l’Evangile vécu jusqu’au bout … Nous vivons ici la même amitié avec ceux qui nous entourent, et le film nous encourage à aller encore plus loin ».


Michel Bonemaison
1er novembre 2011
Le Cendre 63270
* * * * *

Qu’est ce qui mène le monde ?

Nous nous interrogeons sans cesse au reçu des nouvelles. Je vous livre un échantillon de ce qui se dit chaque jour autour de moi :
Le monde a l’air de tourner à l’envers !
L’économie, la politique tout a l’air désaxé et dans le monde entier !
Que de scandales !
Que d’injustices légalisées !
Et les salaires des responsables des hautes instances ?
La corruption est en croissance, tout comme la pauvreté !
Les pays pauvres ne s’en sortiront jamais !
Et l’Afrique, un continent sans aucun avenir !
Je ne parle pas de la peur devant la montée des fondamentalismes …

Joseph Ratzinger
Benoît XVI

Jésus de Nazareth
du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration


Edition française sous la direction de Mgr François Duthel

Traduit de l’allemand par Dieter Hornig,
Marie-Ange Roy et Dominique Tassel.
Flammarion janvier 201O.  427 pages.

Pour ma part, titillé par les mêmes réalités, je constate que nous sommes incités, sinon invités, à redonner sa place à la dimension spirituelle dans notre monde.

Mes trente années vécues au Bénin, mes trois années en Argentine, me permettent de dire que j’ai vu vivre et grandir des peuples pleins d’espérance. Je suis témoin de l’énergie que les hommes peuvent développer pour vivre et construire leur société, leur nation et lui assurer un avenir. Mes sept années au service du Musée Africain m’ont permis de rencontrer des gens de partout et de toutes générations animés du respect de l’autre et en quête de Plus qu’eux-mêmes ; de véritables humains !


Ces quelques jours de retraite spirituelle dans un monastère trappiste m’ont permis entre autre, tout en recentrant mon espérance par et en Jésus le Christ, de relire l’ouvrage ci-contre dont je vous cite un de ces passages prophétiques qui ne peuvent que retenir l’attention.



Ch. 7 Le message des paraboles.
2. Trois grands récits en paraboles chez Luc.
La Parabole du bon Samaritain Luc 10,25-37. 
Citation pages 222-224.

« Une chose est claire : une nouvelle universalité se fait jour, fondée sur le fait, que de l’intérieur, je me fais déjà le frère de tous ceux que je rencontre et qui ont besoin de mon aide.

« Cette parabole est d’une actualité patente. Si nous la transposons à l’échelle de la société internationale, nous voyons que nous sommes concernés pat les peuples d’Afrique que l’on dépouille et que l’on pille. Nous voyons aussi à quel point ils sont notre « prochain » : notre mode de vie, notre histoire, dans lesquels nous sommes nous aussi impliqués, ont concouru et concourent encore à leur pillage. Et surtout, nous avons par là même blessé leur âme. Au lieu de leur faire don de Dieu, du Dieu qui, en Jésus Christ, nous est proche, au lieu d’accepter et de parachever tout ce que leurs propres traditions ont de précieux et de grand, nous leur avons apporté le cynisme d’un monde sans Dieu, où la seule chose qui importe, c’est le pouvoir et le profit. Nous avons détruit l’échelle des valeurs morales de sorte que la corruption et la volonté de pouvoir sans scrupule finissent par s’imposer comme des évidences. Et l’Afrique n’est pas un cas isolé.

« Bien sûr, il nous faut apporter une aide matérielle et réviser notre propre mode de vie. Mais nous donnerons toujours si peu si nous ne donnons que des choses matérielles. … »


Notre Dame des neiges
Michel Bonemaison
17-22 octobre 2011