Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

samedi 30 avril 2011

Jacques Bertho (2008)

Au Musée Africain le deuxième étage veut exprimer la rencontre entre les groupes sociaux, entre les pays, entre les continents. Cette rencontre se réalise au niveau des échanges commerciaux, dans le domaine de la politique, à travers les réalités administratives, la santé, l’éducation, la dimension militaire. Un des aspects que l’on retrouve à chaque instant est la place et l’influence de la « religion », qu’elle soit ancestrale ou venue de l’extérieur. C’est ainsi que se côtoient aujourd’hui les Religions locales dites Traditionnelles, les différentes tendances de l’Islam ou la multiplicité des confessions Chrétiennes, sans oublier les Mouvements religieux qui fleurissent de manière étonnante sur cette terre d’Afrique.
Nous devons deux prises de vue très suggestives aux archives photographiques de Jacques Bertho ; elles ont été réalisées en 1950. Prêtre des Missions Africaines il fut directeur de l’enseignement catholique pour l’Afrique 0ccidentale Française. L’une représente une mosquée au Soudan, et l’autre, en premier plan le temple sacré du python à Ouidah et, en vis à vis, la première basilique catholique de l’actuel Bénin. Trois lieux de culte différents, trois démarches spirituelles distinctes sous le même ciel !
Permettez-moi de narrer brièvement un fait de vie quasi quotidien : en milieu rural il est fréquent de se retrouver accroupis assemblés autour de la même calebasse contenant la pâte que l’on prend avec trois doigts pour en faire une boule que l’on trempe dans la sauce. Le deuxième récipient, celui de la sauce est aussi commun à tout le petit groupe en train de se restaurer. Manger ensemble se fait pratiquement en silence, la discussion précède et suit le repas. Mais ce que je veux souligner c’est que rien ne différencie les commensaux, ni le travail, ni le rang social, ni la religion.
Une autre anecdote, plus personnelle celle-là ! Accueilli je l’ai été au delà de ce que je pouvais imaginer. Le vieux chef était un sage, on l’appelait couramment « celui qui répare les pots cassés ». Il fit de moi son fils, le deuxième, s’il vous plaît. Le fils aîné devait hériter de la chefferie de terre et assurer le culte ancestral. Les deux autres fils, eux qui m’avaient introduits auprès de leur père, se retrouvaient tout bonnement troisième et quatrième. Un jour vint un autre « étranger ». Il fut si bien adopté par la famille qu’on lui offrit d’épouser l’une des filles de la maison, il devint l’un des gendres. Il était missionnaire musulman, j’étais missionnaire catholique. Que de fois, tous les cinq, avons-nous partagé le même repas, et discuté très amicalement de religion.
Dans le diocèse, notre bonne maîtrise de la langue a ouvert bien des portes et bien des cœurs. Nous étions invités souvent pour les cérémonies dans les lieux sacrés de la Tradition locale ; nous étions reçus régulièrement dans les mosquées à l’occasion des fêtes de l’Islam, et à notre tour nous pouvions accueillir tous les habitants d’un village pour les prières des grandes fêtes chrétiennes. Un jour, appelé à présider les funérailles traditionnelles du chef de terre, je rejoignais une foule immense rassemblée au cœur de la forêt. Alors que le chef du protocole me donnait la parole, j’ai entonné un cantique pensant que quelques chrétiens seraient là et chanteraient avec moi : « Nous nous retrouverons demain au ciel, là où le Seigneur nous rassemble ». Quelle ne fut pas ma stupéfaction de constater que tous, sans exception, chantaient de tout leur cœur, clamant la même espérance.
Je terminerai en soulignant que, lorsque une communauté chrétienne engage une action sociale, elle en est le moteur, et ceux qui participent se mettent au service de l’autre homme ou communauté humaine sans référence à son appartenance religieuse, ni à la caractéristique de leur propre démarche spirituelle.
Cette mosquée du Soudan, ce temple vodoun du Bénin, cette église chrétienne, sont exposés sur un même panneau. Si le lien qui s’impose à notre regard pouvait nous accompagner quand nous rencontrons les autres, pour être avec eux constructeurs de Paix ! Le point de départ n’est-il pas le respect de la quête spirituelle de l’autre, quel qu’en soit la religion?

P. Michel Bonemaison sma
Ancien Directeur du musée africain

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