Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

samedi 30 avril 2011

LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX (décembre 2006)

Pour nous disciples de Jésus-Christ, le dialogue interreligieux est une démarche très ancienne. Déjà en germe dans l’Evangile, c’était une préoccupation importante des premières fraternités chrétiennes.

Selon les lieux et les temps, cette dynamique a subi bien des aléas. L’histoire est là pour stigmatiser les malentendus, les erreurs, les faux pas mortifères… Mais, très près de nous, le Concile Vatican II a réactivé cette valeur et en a souligné toutes les dimensions. Ce fut un nouveau souffle pour notre Institut missionnaire. Pour moi, ordonné prêtre en 1968, cette ouverture voulue par l’Eglise a profondément marqué ma démarche pastorale auprès d’hommes et de femmes africains vivant une quête spirituelle dont j’avais tout à découvrir. Je me trouvais plongé dans un milieu marqué à la fois par la Religion locale et traditionnelle et par l’Islam. Aussi ai-je pu faire mienne cette remarque de l’un de mes maîtres, Claude Geffré :
« Un des premiers effets de l’activité missionnaire, c’est la conversion du missionnaire lui-même. Le chrétien n’est pas dans la situation de celui qui apporte tout à quelqu’un qui ne sait rien. Il est aussi celui qui ‘reçoit’, qui découvre à nouveau son identité chrétienne alors qu’il est interpellé par d’autres religions, d’autres cultures et d’autres manières de réaliser sa vocation religieuse ».
Préoccupation depuis les premières fraternités chrétiennes ! La question du salut des non-chrétiens est une véritable interrogation pour celui qui marche à la suite de Jésus et qui adhère au Christ comme Parole de Dieu.

L’histoire montre aisément qu’il y a un risque de durcissement dans la démarche du chrétien lorsqu’il va vers les autres. Aujourd’hui encore, on peut voir naître des attitudes totalement anti-évangéliques comme cette espèce de fatuité excluant tous ceux qui ne sont pas en Eglise … Cette erreur confirme dans leur appréciation ceux pour qui toutes les religions sont de même valeur, voire inutiles, mauvaises ou dangereuses ! Et pourtant, pour un chrétien, « il n’y a de salut qu’en Jésus-Christ, dont l’Eglise est le signe visible ».

Une seconde conviction chrétienne est la certitude que « Dieu est Amour et que tout homme est sauvé s’il participe à une histoire qui est une histoire de salut ». Dès lors, certains se demandent pourquoi il est toujours nécessaire d’annoncer l’Evangile. Et de là à dénier la mission de l’Eglise d’aller à la rencontre des peuples, des cultures, des démarches spirituelles, il n’y a qu’un pas trop souvent franchi.
Au milieu du deuxième siècle, saint Justin se prononçait déjà clairement sur le salut de ceux qui ont vécu avant le Christ : pour lui, il y a dans toute religion une présence du Verbe de Dieu. Tout son ministère est ainsi guidé par cette certitude ; il s’appuie fortement sur les valeurs ainsi décryptées pour les prolonger par une annonce explicite du Message de Jésus-Christ qui les amène à leur plein épanouissement.

La déclaration « Nostra Aetate » du 28 octobre 1965 résume tout ce qui a été écrit pendant le Concile Vatican II sur les « Relations de l’Eglise avec les Religions non-chrétiennes ». Elle fut suivie bientôt de nombreux évènements ou écrits, tels que la « journée de prière d’Assise » innovée le 27 octobre 1986, le document « Dialogue et Annonce » (D.A.) du 20 juillet 1991 et la fondation de plusieurs Instituts de Sciences et Théologie des Religions, (ISTR).

Voici le souhait que Jean-Paul II adressait aux 130 responsables religieux de toutes les religions du monde réunis à Assise :
« Dans la bataille pour la paix, l’humanité, avec sa grande diversité même, doit puiser aux sources les plus profondes et les plus vivifiantes où la conscience se forme et sur lesquelles se fonde l’agir moral des hommes ».
Annonce et respect !
Comment lier et concilier annonce de l’Evangile et respect de la démarche des autres religions, de la quête spirituelle de tout homme ? La réponse peut être donnée en deux temps, sur le plan théologique et dans une ouverture pastorale.

Il est important de bien connaître les valeurs vécues par les deux interlocuteurs. Le chrétien a le devoir d’affirmer sa propre identité, mais aussi d’apprendre à discerner qui est l’autre. Le baptisé sait que « la mission de l’Eglise est de proclamer le Royaume de Dieu établi sur terre en Jésus-Christ, par sa vie, sa mort et sa résurrection, comme le don décisif et universel de salut que Dieu fait au monde ». ( D.A. n° 58)

Et cette annonce, il est invité à la vivre en pasteur (D.A n° 70) avec les qualités même de l’Evangile, c’est-à-dire dans l’écoute de l’Esprit du Seigneur, fidèle à l’enseignement reçu du Christ et en Eglise, avec humilité, dans le respect de la présence et de l’action de Dieu en tout homme et en chaque religion, dans la dynamique du dialogue qui purifie et illumine, et enfin en étant attentif à la réalité culturelle de l’interlocuteur.
Au delà d’une conclusion ….
Notre société des Missions Africaines, depuis 150 ans, a vécu des va-et-vient entre l’écoute et le monologue, entre le respect et l’ignorance. Aujourd’hui, l’Eglise en Afrique est africaine, elle apprend à écouter les hommes, à respecter les peuples, les cultures, les traditions, elle apprend aussi à dire Jésus-Christ à tout homme.

Cette dimension du dialogue est partie intégrante de l’Eglise en marche. Les Actes des Apôtres actuels continuent de s’enrichir de ces rencontres entre hommes, entre cultures, entre traditions spirituelles. Les Actes s’écrivent au jour le jour, l’Esprit est à l’œuvre.
1- Pour les chrétiens le dialogue entre les confessions chrétiennes a pris la dénomination d’œcuménisme, ainsi lorsque la démarche s’élargit à la rencontre avec toutes les quêtes spirituelles c’est le terme « dialogue interreligieux » qui est utilisé.
Michel Bonemaison sma
Lyon le 5 octobre 2006
« L’Appel de l’Afrique N° 227″ , décembre 2006 – Le dialogue interreligieux. – article de fond – Michel Bonemaison

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