Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

samedi 30 avril 2011

L’Afrique au secours de l’Occident

Réflexion sur le livre de Anne-Cécile Robert.
 
Une double question préside à l’étude des plus pertinentes de Anne-Cécile Robert  » journaliste au Monde diplomatique et professeur associée à l‘institut d‘études européennes de l’université Paris 8  » :
- Et si c’était l’Occident, et non l’Afrique, qui avait besoin d’aide ?
- Et si c’était au continent africain de venir au secours de l’Occident ?

Chapitre 1 : UN MIROIR DE L’OCCIDENT

Citant un chef de village du sud ouest du Mali, l’auteur situe au mieux le problème de la diversité qui à l’image de la réalité des Africains chez eux est celle de la prétention des Occidentaux à agir chez les autres, en l’occurrence chez les Africains :  » Notre problème en Afrique, ce sont les différentes ethnies qui ne parlent pas la même langue : nous avons la Banque mondiale, de la Coopération, le Fonds monétaire international, l’UsAid …  » p.27.
 Concluant son chapitre avec pour sous-titre : le monde occidental poussé à l’absurde l’auteur constate :  » L’Afrique, par la domination dont elle est victime et le décervelage qui lui est imposé, montre mieux que tout autre continent l’inanité du monde mondialisé autour des valeurs de l’Occident capitaliste. Elle s’y trouve embarquée malgré elle et largement contre elle….  » p.53.

Chapitre 2 : MAUDITS SOIENT LES YEUX FERMES

Il devient urgent que l’Afrique parle d’elle même dans son propre langage et que l’on apprenne à l’écouter.  » La redécouverte de l’Afrique par elle-même passe inévitablement par le dépassement de ces pièges intellectuels qui occultent la réalité et brident la pensée comme l’imaginaire :
- dépasser le passé pour vivre libre (je mentionne en particulier la blessure ouverte de l’esclavage),
- refuser l’assistance qui  » développe la mentalité d’assisté « ,
- ancrer les élites dans les réalités locales alors qu’elles sont aspirées par le discours  » mondialitaire « ,
- tropicaliser la démocratie,
- construire son propre regard et  » marcher debout « . p. 58
 » La nécessaire contribution de l’Afrique au progrès d’un monde déshumanisé se fera grâce à cette prise de conscience dont chacun tirera bénéfice.  » p. 59
Pour conclure ce chapitre l’auteur se prend à rêver d’une rencontre animée par le respect mutuel, car  » les masques doivent tomber afin de permettre à l’Afrique de trouver son autonomie dans la voie qu’elle choisira librement « . p 95.

Chapitre 3 : BESOINS D’AFRIQUE

Si  » l’Afrique a un savoir-faire inégalé en matière de relations de solidarité « , bien des points sont à examiner, tels les temps et lieux de travail, la nécessité des déplacements qui en même temps favorise les liens sociaux, et intensifie les échanges interpersonnels ; la cohésion du groupe et son économie sont savamment pris en compte. Tout cela, vertus simples du lien social, est si souvent bousculé, voire détruit par les projets extérieurs d’une  » économie mondialiste « . p. 103 -105.
Tenir compte de la  » très grande capacité de l’Afrique à créer, innover,… recycler  » c’est accueillir une des facettes de sa solidarité ; la favoriser serait contribuer à son essor économique et pourquoi pas, interpeller l’occident dans son inconséquent gaspillage !
Des politologues parlent alors d’économie informelle, et l’auteur signale que des recherches sont en cours dans les secteurs de la santé, de l’éducation, des mises en œuvres paraissent déjà efficaces au service des budgets des villes africaines.
Le dernier paragraphe des ces pages 107-111 pleines d’espoir intitulées  » l’informel, laboratoire de la modernité  » est à lire et à relire car il fait parler les Africains de leur réalité réussie évoquant au passage ces valeurs, je souligne,  » le rappeur, la citadinité, la religiosité, c’est nous. Il n’y a pas à chercher ailleurs.  »
L’étranger et le sens de l’accueil est perçu par l’auteur dans une dimension que peu d’Européens imaginent, restant trop souvent au sourire, mais pour ma part j’aurais aimé qu’elle puisse aller encore plus loin dans la découverte de la notion  » fondatrice  » du relationnel : l’étranger participe de l’altérité, de l’Autre, et de ses valeurs dont le partage enrichit chacun des partenaires.
L’Harmonie, valeur bien à sa place dans un tel projet, est elle aussi amputée d’une partie de sa dimension spirituelle, car est omise la relation aux ancêtres. J’apprécie aussi l’excellente analyse, résolument concise, que l’auteur donne la palabre ; là encore je me permets de noter que la dimension  » prise de parole « , ou la  » parole confiée « , ou la  » parole apportée « , aurait donné son plein sens à ce qui régit les rencontres humaines pour le respect de chacun.

***

J’attendais un quatrième chapitre qui analyse et explicite davantage les qualités que l’Afrique peut mettre en œuvre pour  » venir au secours de l’humanité  » en prenant toute sa place dans le monde, bien au delà de ses relations avec le seul Occident, et sans craindre de clamer sa dimension spirituelle,  » sa religiosité « , comme cité plus haut.

Développer le discours de l’annonce de ces valeurs vécues  » dans les rapports humains, à la nature, aux richesses, au temps et à l’espace  » (p. 22.) non pas pour avoir l’outrecuidance de dire aux Africains avec nos canons à l’occidental, ce qu’ils vivent comme valeurs, mais pour dire aux Occidentaux dans un langage qui leur soit audible ce à côté de quoi ils passent et leur marteler ce qu’ils détruisent.

Ce livre est remarquable dans ce qu’il dénonce, et dans ce qu’il annonce. Il ne peut pas être exhaustif car parler des cultures africaines est un chantier sans fin. C’est donc un grand merci que nous pouvons adresser à celle qui nous met en route pour de nouvelles recherches, et une nouvelle découverte des valeurs africaines. Il est temps pour nous d’apprendre à les apprécier.
Michel Bonemaison
Directeur du Musée Africain

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