Le Christ Juif
À la recherche des
origines
Cerf septembre 2013
190 pages 19€
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Traduit de
l’anglais (américain)
par Marc RASTOIN
avec la
collaboration de Cécile RASTOIN
Préface du Cardinal
Philippe BARBARIN
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Voici un ouvrage que je classerais volontiers au registre des œuvres
servant magistralement le dialogue entre Juifs et Chrétiens. Je préfère écrire
ces quelques lignes en guise de témoignage plutôt que de prétendre à une
recension, me situant davantage au niveau de l’affectif plus qu’à celui de
l’analyse scientifique.
Tout au long de son étude l’auteur, rabbin américain, marque un très
grand respect pour le mouvement chrétien né au sein du judaïsme ; s’il
s’insurge souvent contre des propositions réductrices, il est honnête quant à
sa vision sur la personne de Jésus : « Que l’on me permette d’être
ici très clair : je ne nie aucunement la validité de la conception
chrétienne de la question. Il s’agit certainement d’une matière de foi et non
de recherche. Je la nie comme une explication historique, scientifique et
critique. » Page 185 note 1.
Son projet est de reconnaître les caractéristiques d’un Messie annoncé au
sein des Écritures : celui qui a reçu l’onction et que l’on nomme Christ.
Pour ce faire, en quatre petits chapitres, il repère les traits communs à ce
Christ annoncé et attendu et à ce Jésus qui, né dans ce contexte d’attente
messianique, va être suivi par nombre de Juifs ses contemporains [et bien
au-delà dans le temps et l’espace].
« Le Fils de l’homme » est une expression créée par
Daniel en son chapitre 7 qui déjà 150 ans avant notre ère imagine un envoyé de
Dieu venu de Dieu chez les hommes. Il est une « théophanie »
manifestation de Dieu dans l’humanité alors que pour d’autres cet envoyé serait
seulement un homme adopté par Dieu dans une « apothéose » [semblable
à celle d’Elie ?]. Par sa théophanie Daniel rejoint en fait d’autres
courants religieux bien concrets hors du judaïsme. Ce Messie est : roi
humain, Rédempteur divin, en Jésus il est même maître du sabbat ;
conceptions qui deviennent viables au sein du judaïsme. Et déjà apparaît la
conception d’un Dieu à la fois Père et Fils.
Deux livres [accessibles
dans la collection Bibliothèque de La Pléiade. La Bible. Écrits
Intertestamentaires. Gallimard 1988]
légèrement plus proches de nous au 1er siècle de notre ère, 1er
Livre d’Hénoch et 4ème livre d’Esdras corroborent la
christologie de Daniel. L’auteur s’appuie aussi sur un ouvrage à la source de
nos évangiles appelé Marc, [Marc intermédiaire selon le Père Boismard, lui aussi
chercheur des origines des écrits].
Une autre référence de la plus grande importance dans la vie d’un Juif,
celle de la nourriture, c’est avec le chapitre 7 de l’évangile de Marc que D.BOYARIN s’applique à montrer un Jésus en totale conformité avec les coutumes
religieuses de son milieu y compris la « cacherout » ; oui Jésus
mangeait « casher » mais il manifestait son refus de lois tatillonnes
apportant la confusion, sans cesse mises
en avant par un mouvement pharisien obnubilé par le pur et l’impur !
Pour finir, une autre notion commune au Judaïsme et au Christianisme,
la figure d’un « Christ Souffrant ». D. BOYARIN propose un midrash sur
Daniel le mettant en lien avec les
chapitres 8 et 9 de l’évangile de Marc à propos de l’humiliation du Fils de l’homme
et de l’antériorité des Écritures à son sujet [à considérer comme
annonces prophétiques]. L’une d’elle, majeure, est la référence au Serviteur
Souffrant d’Isaïe.
Qu’en est-il alors de la divinité de Jésus de Nazareth ? Ce n’est
pas le propos de notre auteur, il laisse aux chrétiens, dont je suis, de
répondre au nom de leur foi. Aussi cet ouvrage me met en piste pour étudier une
autre de ses œuvres parue en français, en juin 2011, relatant le parcours vécu
par les chrétiens d’origine juive au sein du judaïsme, en toute harmonie,
jusqu’à la rupture marquée par le Concile de Nicée [La partition du judaïsme et du christianisme. Cerf.
Patrimoine, judaïsme. 447 pages. 48€].
Michel Bonemaison sma
21 octobre 2013.
NB. voir aussi la recension dans Études de octobre
2013 faite par Anne-Catherine Baudoin page 428.