Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

lundi 21 octobre 2013

Le Christ Juif


Daniel BOYARIN
Le Christ Juif
À la recherche des origines
Cerf septembre 2013 190 pages 19€


Traduit de l’anglais (américain)
par Marc RASTOIN
avec la collaboration de Cécile RASTOIN
Préface du Cardinal Philippe BARBARIN

Voici un ouvrage que je classerais volontiers au registre des œuvres servant magistralement le dialogue entre Juifs et Chrétiens. Je préfère écrire ces quelques lignes en guise de témoignage plutôt que de prétendre à une recension, me situant davantage au niveau de l’affectif plus qu’à celui de l’analyse scientifique.

Tout au long de son étude l’auteur, rabbin américain, marque un très grand respect pour le mouvement chrétien né au sein du judaïsme ; s’il s’insurge souvent contre des propositions réductrices, il est honnête quant à sa vision sur la personne de Jésus : « Que l’on me permette d’être ici très clair : je ne nie aucunement la validité de la conception chrétienne de la question. Il s’agit certainement d’une matière de foi et non de recherche. Je la nie comme une explication historique, scientifique et critique. » Page 185 note 1.

Son projet est de reconnaître les caractéristiques d’un Messie annoncé au sein des Écritures : celui qui a reçu l’onction et que l’on nomme Christ. Pour ce faire, en quatre petits chapitres, il repère les traits communs à ce Christ annoncé et attendu et à ce Jésus qui, né dans ce contexte d’attente messianique, va être suivi par nombre de Juifs ses contemporains [et bien au-delà dans le temps et l’espace][1].

« Le Fils de l’homme » est une expression créée par Daniel en son chapitre 7 qui déjà 150 ans avant notre ère imagine un envoyé de Dieu venu de Dieu chez les hommes. Il est une « théophanie » manifestation de Dieu dans l’humanité alors que pour d’autres cet envoyé serait seulement un homme adopté par Dieu dans une « apothéose » [semblable à celle d’Elie ?]. Par sa théophanie Daniel rejoint en fait d’autres courants religieux bien concrets hors du judaïsme. Ce Messie est : roi humain, Rédempteur divin, en Jésus il est même maître du sabbat ; conceptions qui deviennent viables au sein du judaïsme. Et déjà apparaît la conception d’un Dieu à la fois Père et Fils.

Deux livres [accessibles dans la collection Bibliothèque de La Pléiade. La Bible. Écrits Intertestamentaires. Gallimard 1988] légèrement plus proches de nous au 1er siècle de notre ère, 1er Livre d’Hénoch et 4ème livre d’Esdras corroborent la christologie de Daniel. L’auteur s’appuie aussi sur un ouvrage à la source de nos évangiles appelé Marc, [Marc intermédiaire selon le Père Boismard, lui aussi chercheur des origines des écrits].

Une autre référence de la plus grande importance dans la vie d’un Juif, celle de la nourriture, c’est avec le chapitre 7 de l’évangile de Marc que D.BOYARIN s’applique à montrer un Jésus en totale conformité avec les coutumes religieuses de son milieu y compris la « cacherout » ; oui Jésus mangeait « casher » mais il manifestait son refus de lois tatillonnes  apportant la confusion, sans cesse mises en avant par un mouvement pharisien obnubilé par le pur et l’impur !

Pour finir, une autre notion commune au Judaïsme et au Christianisme, la figure d’un « Christ  Souffrant ». D. BOYARIN propose un midrash[2] sur Daniel  le mettant en lien avec les chapitres 8 et 9 de l’évangile de Marc à propos de l’humiliation du Fils de l’homme et de l’antériorité des Écritures à son sujet [à considérer comme annonces prophétiques]. L’une d’elle, majeure, est la référence au Serviteur Souffrant d’Isaïe.

Qu’en est-il alors de la divinité de Jésus de Nazareth ? Ce n’est pas le propos de notre auteur, il laisse aux chrétiens, dont je suis, de répondre au nom de leur foi. Aussi cet ouvrage me met en piste pour étudier une autre de ses œuvres parue en français, en juin 2011, relatant le parcours vécu par les chrétiens d’origine juive au sein du judaïsme, en toute harmonie, jusqu’à la rupture marquée par le Concile de Nicée [La partition du judaïsme et du christianisme. Cerf. Patrimoine, judaïsme. 447 pages. 48€].

Michel Bonemaison sma
21 octobre 2013.

NB. voir aussi la recension dans Études de octobre 2013 faite par Anne-Catherine Baudoin page 428.


[1] Ce que je mets entre crochets est ma propre appréciation au-delà de l’écriture de l’auteur.
[2] À plusieurs reprises l’auteur invite ses lecteurs à lire les Évangiles comme des midrashim chrétiens, le midrash étant un genre littéraire propre au rabbinisme, ce en quoi il honore à nouveau la valeur des documents de la mouvance chrétienne.

RÊVER l’Église catholique



RÊVER l’Église catholique.
Michel QUESNEL.
DDB  152 pages  -  15€.

Ce bibliste de renom ajoute sa voix à celles nombreuses, qui appellent actuellement l’Église à un changement en profondeur pour être fidèle à l’esprit du concile Vatican II et à l’Évangile.

S’il ne mâche pas ses mots, pour dire ce qui ne va pas dans l’Église catholique romaine d’aujourd’hui (immobile, crispée, insuffisamment ouverte, coupée de la société, etc.) c’est pour mieux souligner son besoin urgent de réforme. Ce livre est en fait un superbe plaidoyer en faveur du christianisme, de son actualité et de la pertinence de son message pour le monde d’aujourd’hui.

La première partie présente le trésor du christianisme qui n’attend qu’à être offert aux hommes et aux femmes de ce temps. La deuxième partie est le rêve de Michel Quesnel qui, fort de ce qu’il vient de dire de positif sur le christianisme, envisage ce que serait une Église qui révèlerait ce trésor dont elle est porteuse.

Le ton, ni aigri, ni désespérant, est au contraire plein d’espérance, et ce qu’il rêve n’est pas du tout impossible à envisager … d’autant plus qu’un nouveau Pape vient d’arriver au Vatican et peut être synonyme de changements possibles. Michel Quesnel fait partie de ces prophètes qui voient loin, et qui nous permettent d’espérer en temps de crise. Merci à lui pour ce livre qui fait du bien.

P. Gilles Brocard
Nouvel Essor n°252
Septembre 2013 p 29

Sur la terre comme au ciel


Sur la terre comme au ciel
Jorge Mario BERGOGLIO & Abraham SKORKA

Robert Laffont 2013, p 239.  16 € 90.

Ce livre est précieux dans la mesure où il montre que le cardinal Bergoglio, devenu pape François, et le rabbin Abraham Skorka se sont retrouvés un bon nombre de fois à Buenos Aires et sont devenus de fervents artisans du dialogue interreligieux avec ce que cela suppose de l’autre, d’humilité profonde et de compréhension de la nécessité du dialogue entre religions dans le contexte de la modernité.

Le vrai dialogue exige que l’on s’efforce de connaître son interlocuteur et de le comprendre. « Les mots, précise le rabbin, ne sont que des véhicules de communication dont le sens n’est pas toujours le même, y compris pour les membres d’une société qui parlent la même langue ». « Avec Skorka, ajoute le futur pape, je n’ai pas eu à défendre mon identité catholique, pas plus qu’il n’a eu à défendre sa judéité … »

Le défi consistait à cheminer avec respect et affection, cheminer en présence de Dieu en tâchant d’être irréprochables. Il y est question d’athéisme et d’agnosticisme, du diable et de la sainteté, de la prière, de l’avortement, du divorce, du mariage entre personnes de même sexe, de la politique passée et présente des pouvoirs en place, de l’argent et de la pauvreté et de bien d’autres thèmes qui viennent à l’esprit de deux interlocuteurs forts d’une longue expérience, pétris de simplicité et aux antipodes de toute mondanité.

Ce livre est à regarder de près pour mieux connaître les positions jugées « dures » du nouvel évêque de Rome et qui, de façon inéluctable, vont émerger dans les débats et au cours des prochains mois. Au terme de l’ouvrage, Jorge Bergoglio parle de l’évangélisation qu’il juge essentielle mais qui ne doit pas verser dans le prosélytisme. L’attraction qu’elle exerce, précise-t-il, ne doit opérer qu’à travers le témoignage.

Henri Madelin
Études p 285-6.
septembre 2013