Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
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samedi 30 avril 2011

En Côte d'Ivoire, un joyau de la culture africaine est menacé

MONDE.FR-http://www.lemonde.fr/sujet/821f/cote-d-ivoire.html | 15.04.11 | 09h58  •  Mis à jour le 15.04.11 | 09h58
Tandis que chacun des deux camps belligérants de Côte d'Ivoire s'accroche à sa vérité, c'est la vérité de l'Afrique qui est mise en péril. Le drame qui se joue dans les régions reculées du pays, au prix du sacrifice de nombreuses vies humaines, a pour corollaire le carnage silencieux de l'un des patrimoines immatériels de l'humanité. Depuis 2002 et encore aujourd'hui, des populations ont été déplacées. Des villages ont été rasés. Des lieux sacrés ont été profanés et pillés. Des hommes et des femmes porteurs et porteuses de masque ont disparu. Doit-on, pour s'en inquiéter, attendre l'extinction définitive de la culture du masque, ce joyau de l'Afrique qui a fait la renommée du continent dans les musées et sur le marché de l'art de par le monde ?

Nous parlons bien des masques, ces pièces sculptées qui, tout comme les statuettes africaines, ont suscité l'admiration des peintres européens tels Picasso, Matisse ou Vlaminck, et continuent à faire le bonheur des esthètes. Le Musée du Louvre accueillit ainsi l'art africain en avril 2000. Puis, le Musée du quai Branly, inauguré en juin 2006, devint l'un des plus beaux lieux de l'art extra-européen. Or, les masques, dans leur conception africaine, ne se réduisent pas à un morceau de bois. Ces sculptures ne sont que la face visible d'une institution méconnue.
Le masque n'existe que lorsque sont réunis trois éléments, le visage ou pièce sculptée, le costume (chapeau, tunique, jupe, jambières…) et le porteur ou la porteuse de masque. Ce dernier est un homme ou une femme qui doit être en vie et qui, soumis au devoir d'anonymat durant toute son existence, prête son corps et sa voix au masque lors des cérémonies, qu'il s'agisse de fêtes, mais aussi de décisions de justice ou même de médiations politiques.


ENSEIGNEMENTS

Ce faisant, le masque transmet des enseignements spirituels, philosophiques, artistiques ou encore pédagogiques. Et à bien des égards, l'institution des masques renferme la matrice de ce qu'aurait pu être une véritable démocratie africaine, nourrie de dialogue, de débats, de prise en compte de l'intérêt général. Soulignons qu'il n'est pas rare que les dignitaires de cette institution soient aussi des personnalités de premier plan du monde politique ou économique. Les porteurs de masques ont ainsi compté dans leurs rangs des ministres, des hauts fonctionnaires ou encore des chefs d'entreprise.
Mais, que vaut une institution sans les peuples qui la fait vivre ? Quel avenir pour un art dont les artistes sont massacrés à chaque soubresaut politique ? Nous appelons à un sursaut de la part des décideurs de la scène ivoirienne, africaine et internationale. Il est encore temps. Que les gouvernants africains viennent offrir aux masques la place qu'ils méritent. Et qu'en Occident, un lieu consacré puisse rendre pérennes les enseignements que les masques ont légués à l'humanité, en vue de mieux donner chair au dialogue des cultures.
Selon les masques, il y a dialogue des cultures lorsque je considère l'autre femme, l'autre homme, l'autre art, l'autre mode de pensée, l'autre conception de Dieu comme une partie de moi-même qui m'habite et me révèle ce qui me manque. Un lieu voué à la transmission et au partage des savoirs situé hors de l'Afrique, pour l'ancrer plus profondément dans son universalité, c'est ce qu'on peut souhaiter de mieux à une civilisation qui a survécu à l'esclavage, à la colonisation, aux travaux forcés.

Alphonse Tierou, auteur et chorégraphe

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