Libérer la parole qui est en nous

« En Afrique, toute assemblée a ses lois, la palabre a les siennes ; elles sont simples. Chacun à son tour est invité à s’exprimer ; tous ont le devoir d’écouter jusqu’au bout, sans interrompre ; nul n’est laissé pour compte. Il n’est pas nécessaire qu’un jugement soit porté. Après avoir siégé, tous peuvent repartir en paix, un pas est franchi. »
Règle n°1 : liberté de propos
Règle n°2 : bienveillance, écoute et respect
Règle n°3 : égalité de tous devant la question humaine.
Autant de valeurs que je souhaite vous faire partager à travers ce blog et avec l’aide de toutes vos contributions !

mercredi 18 mai 2011

Lyon, tremplin pour les échanges missionnaires.

Une année de la mission.
MISSI avril – mai - juin 2006 n°94


Une perception de la mission à travers le Musée Africain de Lyon.

    Le terme missionnaire semble véhiculer des clichés bien surannés : le casque colonial, la barbe, la moto et, pire, le prosélytisme ! Que de fois l’on entend affirmer tout de go : « vous avez détruit les cultures africaines, vous avez imposé votre religion ! » Dans le même temps, qui n’est pas investi d’une mission politique, diplomatique, de développement, ou sociale et caritative, toujours reconnue d’utilité publique ? Pourquoi une mission d’ordre spirituelle ne serait-elle pas tout aussi honorable ? Si l’on apprécie un peu les données de l’histoire, quel que soit le domaine que l’on aborde, on sait très bien qu’il y a un danger à éviter absolument, c’est celui des jugements anachroniques. C’est vrai que chaque époque commet ses erreurs et agit dans l’imperfection ; combien est-il important de dénoncer ces égarements.

L’origine de la mission

    Pour nous, chrétiens, la mission a son fondement en Jésus de Nazareth ; lui-même tient sa mission de son Père. Envoyé du Père il a pour projet de dire que Dieu est Amour ; il réalise ce projet en étant lui-même amour ; plein de respect pour chacun il se fait le frère de tous. A l’imitation de ce Jésus de Nazareth, le disciple est invité à se mettre en route, à aller à la rencontre de l’autre, à sortir de lui-même pour témoigner d’un amour plus grand que lui, d’un amour qui le dépasse et qui englobe toute l’humanité. Ce vécu de la mission est une des exigences qui découle du baptême offert par la famille du ressuscité. Vivre ainsi la fraternité en Christ devrait être le  pain quotidien de chaque chrétien !

    Depuis sa fondation l’Eglise a envoyé ses fidèles aux quatre coins du monde. Aujourd’hui encore elle nous invite à vivre la fraternité chrétienne en allant au-delà des réalités du quotidien, en quittant notre culture ; elle nous permet d’aller à la rencontre de l’étranger qui vit chez nous. Apprendre à rencontrer l’autre, en l’accueillant dans ses différences et en allant au-delà de ces différences, voilà une des dimensions de la mission. Cheminer avec lui sur nos sentiers ; mais aussi aller prendre la route ailleurs, apprenant à cheminer sur les chemins des autres ! Prendre leur rythme, emboîter leur pas et savoir attendre leur questionnement pour être un jour invité à dire les valeurs qui nous animent, c’est une sortie de nous-mêmes à laquelle nous convie notre baptême.

     L’Eglise continue d’envoyer les siens hors de leur terre natale à la rencontre des peuples, des cultures, des religions. Préparé à la mission de l’Eglise au sein de ma famille missionnaire, les Missions Africaines de Lyon, sma, j’ai eu le bonheur, de 1965 à 1998, de partager les joies, les soucis, les peines, les espoirs de milliers d’hommes et de femmes, en Afrique et en Amérique latine. Pour moi, bonheurs et difficultés, tout ensemble, furent l’occasion de mûrir, de construire dans la paix et l’espérance. Une grande joie s’y ajoute, celle d’avoir vu naître la fraternité au nom de Jésus, l’Eglise. Aujourd’hui c’est toute cette richesse que la sma m’invite à transmettre en me confiant la valorisation de l’un de ses joyaux : le Musée Africain de Lyon.


Une histoire d’amour

    Né de la volonté des fondateurs de la sma, ce musée propose aujourd’hui plus de 2000 objets à la contemplation des visiteurs, des étudiants, des chercheurs, des familles, des écoles et des collèges, avec pour appui scientifique une bibliothèque spécialisée. « Ramenez des objets qui fassent connaître la manière de vivre de ceux qui vous accueillent », demandait le P. Augustin Planque à ses premiers missionnaires. C’est ainsi que beaucoup rapportèrent ce que leur offraient les Africains, en signe d’amitié et de confiance. Une deuxième étape permettra de constituer progressivement ces riches collections ; dans un souci fraternel les pères ont déposé ces cadeaux à la maison mère, cours Gambetta à Lyon.

    C’est avec chacun de vous, visiteurs, que nous vivons la nouvelle étape en apprenant à écouter les cultures que représentent ces objets, en accueillant les sagesses qu’ils nous proposent, en nous préparant à vivre en harmonie avec les populations qui rejoignent nos contrées natales. Voilà à nouveau une belle histoire d’amour en perspective !

    Chaque visiteur vient avec son projet, glanant ce qui peut l’enrichir, avec une requête à sa mesure. Nous sommes là pur l’accueil, pour l’accompagnement avec pour support à nos paroles des objets cultuels de l’Afrique occidentale subsaharienne. Nous essayons de partager les valeurs sur le plan humain ; si l’on aborde aussi la dimension spirituelle des traditions africaines, ce qui occupe parfois notre propos, ce sont les cheminements des hommes dans leur quête vers l’au-delà : les religions traditionnelles, les islams, les christianismes … Le musée devient alors un lieu où l’on manifeste un grand respect de la démarche de chacun.


Questions

    En équipe nous accueillons les visiteurs ; nous venons d’horizons très différents, toutes générations confondues. Notre contact avec les cultures  africaines est lui aussi réellement diversifié, tandis que notre souci commun est de dire l’Afrique et les Africains dans leur volonté de construire leur avenir. Cette ouverture suppose de la part de tous un effort de formation. Nous nous en donnons les moyens au sein d’une société vieille de quinze ans : l’Association de Gestion du Musée Africain de Lyon, l’AGMAL.

    A l’aide de quelques vitrines, nous en venons aux questions les plus récurrentes chez les visiteurs.

Ainsi de l’esclavage : des entraves de pieds et de cou, un pistolet et des cornes à poudre, de la belle pacotille, colliers de perles et potiches, voilà qui évoque sobrement l’horreur des rapports humains, hier ! Ne convient-il pas d’en tenir compte aujourd’hui pour apprendre à construire ensemble avec respect et discernement ?

En ce qui concerne la colonisation, une porte de maison baoulé (Côte d’Ivoire) exprime une sagesse par la disproportion des personnages sculptés dans le bois. En effet l’étranger qui vient à nous doit être animé par un message important s’il a vécu un tel déplacement. L’hôte est à l’honneur au centre et il est immense tandis que les deux porteurs, africains, sont petits et tout à son service, prêts à accueillir la parole de sagesse qui est venue à eux. Que symbolise alors la hyène ? Belle page d’histoire, voire de philosophie !
Le pouvoir ou l’administration, l’organisation militaire et l’apport de la religion chrétienne. Le message valait-il le déplacement ? Quelles valeurs ont été reçues, voire mises en œuvre ? Chaque élément bien remis dans son contexte facilite le questionnement.

Quant à l’au-delà, le visiteur est immédiatement alerté par la symbolique sculptée, peinte ou pyrogravée sur chacun des objets les plus usuels : plusieurs dimensions s’entrecroisent, la matérialité du geste à accomplir et l’au-delà du regard se côtoient. Que ce soit à la maison, à l’atelier, aux champs, à la pêche, à la chasse il est ainsi ; nous sommes en Afrique !
Juste à côté de la porte baoulé un ensemble de portes de greniers : par leur message sur la vie transmise et entretenue par les ancêtres, elles semblent écrire une page de métaphysique, une vision sur l’avenir !
C’est de ce dialogue permanent avec l’au-delà, voire avec la divinité, que parle le troisième niveau, entre statuettes et masques, serviteurs de tous les grands moments de la vie sociale et familiale. J’aimerais vous dire : « Venez et voyez ».


Inculturation

    C’est dans ce domaine du « dialogue avec l’invisible » que quelques magnifiques sculptures apportent un élément de réponse au bien-fondé de la rencontre des cultures ; elle n’est pas qu’un choc ! Quelle joie de pouvoir admirer l’inventivité due à l’apport mutuel ; écoutons les personnages adeptes du Vodun et allons contempler la statuette travaillée dans le bois par l’artiste de Kétou pour dire la Vierge du Fiat. Quelle évidence : un message nouveau est transmis dans le langage habituel des populations locales !

    Tout simplement pour clamer qu’un visage de la mission aujourd’hui peut passer par la muséographie.

P. Michel Bonemaison, sma

Le Père Michel Bonemaison est responsable du Musée Africain formé par des générations de ses confrères. Complètement rénové, ce bâtiment accueille également des expositions temporaires et toutes sortes de manifestations permettant de mieux comprendre la culture africaine dans ses diverses dimensions, dont la religieuse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire